Cette thèse de doctorat réalisée en 2021 par Catherine Bélanger Sabourin, maintenant professeure à l’École de travail social de l’UQAM, fait état d’une recherche collaborative ayant mobilisé des intervenants de proximité du milieu communautaire et de la pédiatrie sociale en communauté. L’objectif général de la démarche était d’appréhender, de concert avec les participants à la recherche, le sens des situations et de la pratique de proximité avec des familles en situation de vulnérabilité. Pour y parvenir, sept récits de situations d’intervention complexes ont été constitués à partir d’ateliers de codéveloppement de la pratique, de la tenue de journaux réflexifs et d’entretiens qualitatifs de recherche.
L’auteure met d’abord en évidence un consensus de la littérature scientifique à l’effet que malgré une volonté étatique à cet égard, les organisations et établissements de santé et de services sociaux ne sont historiquement pas parvenus à répondre aux besoins des familles en situation de vulnérabilité de façon coordonnée et complémentaire. Il en résulterait notamment une situation de chevauchement des interventions, voire d’envahissement dans la vie des familles. Les intervenants de proximité sont alors situés dans l’interface entre la famille et divers acteurs des services à la jeunesse (écoles, CLSC, DPJ, CR, etc.). L’auteure met également en valeur la pertinence du soutien réflexif des intervenants de proximité, avec le codéveloppement comme méthode privilégiée, afin de mieux réfléchir à partir de l’action pour donner un sens fort à la pratique. Puis, à partir d’une co-analyse de situations cliniques impliquant des intervenants de proximité, elle illustre différentes réalités qui contribuent à rendre stériles les efforts de collaboration entre organismes et établissements (ex. éparpillement entre les acteurs, isolement des intervenants entraînant un épuisement face aux situations cliniques, tensions de valeurs entre acteurs, hiérarchisation des expertises professionnelles qui rendent difficile de faire un global et nuancé des situations cliniques, rapports de pouvoir qui étouffent la voix des intervenants de proximité, des enfants et des familles). Au final, elle relève trois constats centraux ont émergé des données de la recherche, soit : 1) la primauté de l’évaluation diagnostique (critiquée essentiellement sous l’angle de ses effets délétères pour les familles) ; 2) le lien préalable au changement (entendu surtout comme le lien entre intervenants de différents milieux d’intervention, qui doit être investi pour offrir une meilleure réponse aux besoins des familles) et 3) la priorité de l’intervention directe (qui représente un réflexe à défaire, car les intervenants doivent plutôt développer une compréhension collective des situations cliniques et éventuellement des réponses coordonnées et cohérentes aux besoins des familles).
Cette contribution scientifique est résolument pertinente pour l’ensemble des professionnels des équipes cliniques de CPSC. Quoique la thèse n’aboutisse pas en pistes d’action concrètes pour la PSC, elle constitue un excellent point de départ pour réfléchir à certaines de nos pratiques. Par exemple, alors que l’évaluation diagnostique est hautement valorisée dans notre culture d’intervention en PSC, la recherche met en évidence que les modalités d’accès aux services spécialisés ne sont pas toujours opérantes dans les faits. Cela résulterait, du point de vue des participants à la recherche, en une perte de sens pour les familles et les professionnels. On constate également en conséquence des effets délétères pour les familles, par exemple du désengagement dans les trajectoires de services. Ce constat peut nous amener à porter un regard critique et réflexif sur nos pratiques, qu’il soit question de l’importance clinique à accorder au suivi-accompagnement par rapport à l’évaluation-orientation, ou des hiérarchisations professionnelles qui n’auraient peut-être pas lieu d’être en PSC. La thèse questionne également la capacité opérante des intervenants de proximité à médier le lien entre les institutions et les familles, et propose de multiples voies pour mieux en comprendre les enjeux, ce qui est particulièrement pertinent à considérer dans l’optique du suivi de trajectoire en PSC.